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L'autobiographie comme outil entre implication et distanciation

Séminaire 2 – La recherche-action - Théorie et pratique

Dans la recherche-action, quelle distance critique de l’acteur chercheur décide de prendre sur sa propre pratique ?

Quelle est la place de l’individu dans le collectif, sa socialisation ?

Avec l’entrée des acteurs et de leur affectivité dans le monde de la recherche, cette double question est centrale.

Nous ne sommes jamais loin de l’axe central de ce site : le développement de tout l’homme et de tous les hommes.

Christophe Vandernotte et Emanuelle Betton accompagnent des adultes en recherche action. Leur contribution est le résultat de la théorisation de leur pratique. Leur position n’est pas celle d’un professeur mais d’une personne ressource au service de ceux qui, acteurs, ont décidé de devenir chercheurs, d’errer, d’accepter de se perdre pour se retrouver, de donner du sens à ce qui paraissait insensé, pour faire émerger un projet qui leur est propre.

La recherche action oblige l’acteur chercheur à allier subjectivité et objectivité. Dans ce processus de distanciation, il aura besoin d’éléments manquant à l’éducation formelle : un groupe, collectif social auquel il peut se confronter pour construire son discours ; un accompagnateur qui est passé lui-même par la recherche action. Desroche est un pédagogue. Il a passé les frontières entre lui et les autres, des frontières aussi bien terrestres, sociales et disciplinaires. Il connaît la nature du terrain et le sait glissant. En observant les trous noirs, les pièges qui ont jalonné son expérience d’accoucheur de « sujet » et de projet, il a identifié et développé une pédagogie en quatre temps :

L’autobiographie raisonnée est la première étape du travail d’objectivation : accepter de se faire violence, essayer d’être juste avec les évènements, les personnes impliquées ; que raconter, pourquoi et comment ? En un voyage chronologique, celui qui entreprend sa bioscopie regarde toutes les personnes dans sa propre personne, sous toutes ses dimensions. Il les met en connexion entre elles ainsi qu’avec les lieux et les évènements qui leur donnent du sens. Par le passage à l’écriture de son autobiographie raisonnée l’acteur raconte aux autres ce qui a du sens pour lui. C’est le point de départ d’une écriture libre d’auteur, avec un contenu et une forme autonome et personnelle.

Mais attention à l’enlisement possible de cette pédagogie du sujet quand elle se décline en auto-sublimation, critique, récitation voire masturbation intellectuelle… Il est alors temps de sortir de soi : Quel est l’objet de la recherche ? Il faut rentrer dans l’apprentissage de cet objet : d’autres y ont déjà pensé, s’y sont intéressés, et pour en cerner la spécificité, pour formuler la question, il faut les rencontrer. Comment faire le lien entre la créativité subjective de l’acteur chercheur et la scientificité objective ? Par l’accompagnement de la recherche, une pédagogie du trajet vers le ré-investissement dans le projet de l’acteur chercheur. Car c’est l’accompagnateur qui rentre dans le projet de l’acteur chercheur, et non le chercheur qui entre dans une école de pensée.

Alors, est-ce l’ensemble des projets individuels qui formerait le « tous les hommes » ? « Je suis venue ici et l’université française me donne une, sa représentation du monde. Chez moi, à Haïti, notre représentation est différente, comment jouer avec tout cela ? ». L’autobiographie fait explorer la socioculture de et par son auteur. Des histoires de vie, il y en a autant que de vies et donc d’individus. Et certaines sont écrites avec beaucoup de talent. Pourtant, « tant que chacun n’a pas démêlé les interactions, il y a un risque de capture, de perte de rencontre ou de métissages utiles ».

Maïeutique ou thérapie ? Non, il ne s’agit pas de psychothérapie, l’intime y est préservé. Il s’agit en réalité de faire, par l’autobiographie raisonnée, une analyse systémique de soi-même dans une socioculture collective : La recherche action se situe dans la construction sociale, dans le vivre et le faire ensemble, posant son regard dans ce qui est fondamental dans l’espèce humaine : le rapport entre l’individu et le collectif. Roland Colin ajoute à cet effet un rappel du ratio vital du navigateur qui, selon Jung, se place entre intégrité - ce que je suis, et intégration-positionnement social.

Là encore le sens social de l’initiation nous éviterait bien des dérives : l’initiation permet à chacun de s’identifier lui-même. Cette identité, tant individuelle que sociale, mise en connexion avec d’autres identités, produit un groupe avec une dynamique sociale. Il pourrait en être de même avec l’éducation.

Mais dans ce monde une grenade a explosé au milieu de cette dynamique sociale, imposant le rapport de force d’une globalisation, d’une supériorité de la mode et des modes de consommation, du marché. Elle développe la dépendance. L’éducation ne peut jouer son rôle d’inclusion de chaque individu, permettant une implication créative de tous sans exclusion.

Pas étonnant que les chercheurs acteurs, spécialistes des inédits, soient considérés comme des navigateurs en marge de la reproduction sociale. Pas étonnant que leur accouchement en tant que sujet soit associé à la re-connaissance, à la re-valorisation. Pas étonnant aussi que pour en arriver là, dans ce processus d’auto formation, ils doivent transformer les ruptures de leur parcours individuel et social en opportunités de développement.

Education et développement, couple indissociable. Il s’agit de retrouver le fondement de l’éducation, de voir comment chacun peut rentrer dans cette civilisation en tant que membre à part entière et de définir par quel processus de re-socialisation.


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