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Analyse systémique et modèles socioculturels

Séminaire 1 – Socio- Anthropologie du développement - Approche globale, analyse et pratique

Quel est le système social de référence ?

Comment comprendre et représenter la réalité, considérée dans sa globalité et échapper ainsi à la stratégie unilinéaire, restrictive voire mimétique du développement ?

Comment traiter la globalité et la restituer pour en comprendre les interactions ?

Chacun a une représentation de lui-même implicite, en un tout, formé de multiples facettes toutes en interaction : vie professionnelle, familiale, politique, technologie, etc. Quand un aspect l’emporte sur les autres, passant le seuil minimal de cohérence, on s’aperçoit, face à l’incapacité d’arbitrer, du risque de tensions, de conflits, de ruptures, voire de maladies. Collectivement cela se traduirait par un « malaise social ».

Ainsi, il ne sera pas traité du fait social comme le résultat de la construction d’une intelligence extérieure (Durkheim), ou comme une grammaire du culturel structuraliste (Lévi- Strauss), ni même comme le résultat d’une théorisation de la praxis qui, selon Marx, permet d’expliquer la dynamique d’ensemble, sociale et culturelle, en fonction d’un déterminant essentiel qui est le facteur de production.

Car telle est la difficulté d’élaborer un schéma explicatif en dehors des réalités socioculturelles. La théorisation n’a pas attendu le théoricien, nous dit Garfunkel : le point de départ est l’homme, acteur de cette pratique sociale que nous possédons tous et qui est à l’œuvre depuis que l’humanité existe. Reconnaissons à l’acteur social lui même la capacité d’expliquer et de donner le sens des choses.

Alain Coulon introduit alors en France l’ethno-méthodologie, mais cet outil offre la tentation de l’approche par l’extérieur. Henri Desroche préfère se « mouiller dans les marécages de la recherche-action » au lieu de survoler la réalité avec des systèmes explicatifs plus confortables.

C’est de cette intelligence venue de l’acteur social lui-même dont il s’agit ici. Il n’est pas question de se munir d’outils de recherche restreignant la réalité sociale et culturelle à l’aspect qui préoccupe les chercheurs, leur permettant ainsi d’ajuster la réalité à leurs propres fins. Il s’agit d’intelligence partagée par les humains, qui induit, à l’instar de l’UNESCO, le droit à la diversité culturelle, distinguant les intelligences plurielles, en opposition à une dangereuse et impraticable intelligence générale. Pour agir et comprendre, nous avons besoin de nous représenter.

Alors, comment construire la représentation d’une socioculture sans y mettre nos préjugés ? Tout d’abord, il faut éviter le modèle normatif qui déterminerait les orientations de la réalité comme elle "doit être". Il faut rendre compte de la réalité par un modèle cognitif qui traduise ce que nous en connaissons, nous obligeant à la considérer dans son ensemble. Il s’agit de trouver un mode opératoire permettant de traiter la globalité et de la restituer pour en comprendre les interactions.

Là où l’Occident parle d’idées, de concepts, les paysans parlent de force germinative et de fécondité, construisant une conduite sociale autour de cette symbolique. Elle propose une vision écologique du monde, basée sur l’expérience humaine et remettant en question l’opposition de l’humain et du non humain.

Roland Colin propose un modèle de représentation cognitif du phénomène humain, à l’intérieur de son écosystème, avec 6 niveaux ou paliers – technologie, économie, politique, parenté, individu, valeurs - en interaction permanente : c’est-à-dire tout l’homme et tous les hommes implantés dans une réalité englobante, l’environnement, l’écosystème. C’est là une des caractéristiques marquantes de cette approche : se représenter l’ensemble des interactions qui régissent les relations des individus entre eux, et avec les différents niveaux d’organisation de leur société, les différents champs de leur réalité. Une vision socioculturelle de l’individu et de son appartenance, à décliner autant de fois qu’il y a d’hommes et de sociocultures.

Lors de cette deuxième session du séminaire, le premier exercice s’est fait à partir d’un cas lointain dans l’espace et dans le temps, avec les Saras du Tchad dans les années 1930, en pleine période coloniale. Une telle représentation d’une socioculture à un temps T ne serait-elle pas réductrice de diversité, rigide ? Qu’en serait-il si l’on représentait aujourd’hui en France le quartier de la Porte de Clignancourt à partir de ce schéma ? Représenter signifie regarder, écouter chaque variante dans ce même espace et sa signification dans l’interprétation de l’ensemble. Accepter la diversité de ce mode opératoire permet ainsi de révéler les tensions et leur mode de régulation.

Les Saras du Tchad

« Matékaga, en pays Sara du Tchad, est un gros village planté dans la brousse sèche, où l’on peut lire comme sur un échiquier, champs de coton et champs de mil, la partie se joue entre la poussée blanche et la force noire. La poussée du coton venue des coloniaux casqués de blanc encercle le village. Et pourtant le village vit encore de son mil que le Chef de terre et les dignitaires de l’ordre ancien célèbrent dans les fêtes de lune. Le coton qui pousse sans fête de lune, apporte l’argent, et l’on peut penser que l’argent et le coton, en pénétrant jusqu’au cœur de l’intimité sociale, font la loi du changement au village…/…la participation paysanne est-elle ou non le levier […] pour libérer les paysans sans qu’ils perdent dans l’aventure leur identité culturelle, c’est à dire leur capacité de prétendre construire un projet social qui leur appartienne ? …/ …

Après avoir tracé une perspective historique, dans « la société traditionnelle Sara face au changement » Roland Colin « trace le tableau de l’analyse dynamique du monde Sara du Mandoul, en distinguant le modèle originel, l’impact des modèles étrangers et la dynamique globale conduisant à l’identification des ressorts du changement. » p.54

Il commence par la société traditionnelle, avec l’analyse du modèle socioculture originel et des dynamismes internes.

Réf. : « Mutations sociales et méthodes de développement » par Roland Colin. Thèse pour un doctorat de 3ème cycle sociologie du développement Directeur d’études : M Henri Desroche EHESS Paris 1972 Bibliothèque IRFED 6652.


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