par Christine von Garnier
Les appels prophétiques du Sommet de l’ONU et des Conférences épiscopales au G8 à L’Aquila
Le Sommet de l’ONU à New York sur la crise financière (24-26 juin 2009) et les Conférences épiscopales des pays représentés au club fermé du G8 (pays industrialisés), qui se réuniront à L’Aquila du 8 au 10 juillet 2009, lancent des appels qui sont sans doute prophétiques pour l’avenir de l’humanité. Les deux instances innocentent les pays pauvres qui vont crouler sous le poids de la crise financière qu’ils n’ont pas provoquée. Ils auront un déficit financier de 700 milliards de dollars selon la Banque mondiale, 65 à 90 millions de personnes supplémentaires vont tomber au-dessous du seuil de pauvreté (en plus du milliard déjà existant), et 200 à 400 000 enfants de plus vont mourir chaque année. Il n’y a pas une minute à perdre.
Les mesures de régulation de la crise adoptées par le G20 (pays industrialisés et pays émergents) n’ont pas vraiment tenu compte des pays pauvres. La Commission Stiglitz, prix Nobel d’Economie, propose à ce Sommet un Conseil économique de l’ONU qui coordonnerait et régulerait la gouvernance mondiale économique, idée lancée depuis des années par Richard von Weizsäcker. A part l’Allemagne, les pays riches vont trembler devant cette avance de démocratie planétaire, surtout la Suisse qui n’aime pas de nouvelles structures et préfère mettre du vin nouveau dans de vieilles outres qui coulent. Cette Commission de l’ONU propose aussi un fonds spécial d’aide multilatérale à l’heure où les pays riches, par un effet de baguette magique, avaient mis sur la table 10 000 milliards de dollars pour sauver leurs banques et plans économiques. Enfin la Commission demande une refonte du système financier international, qui prévoit la création d’une nouvelle monnaie pour sortir de la dépendance vis-à-vis du dollars, proposition que le Conseil fédéral juge inutile.
De leur côté les leaders des Conférences épiscopales des pays industrialisés du G8 tapent sur la table :
« Les pays du G8 doivent assumer leurs responsabilités dans la promotion du dialogue avec les autres grandes puissances économiques afin de contribuer à éviter de nouvelles crises. Ils doivent tenir leurs engagements d’aide aux pays pauvres et réaliser les Objectifs du millénaire. »
Plus loin, les évêques citent Benoît XVI qui avait mis en garde le G20 contre « le spectre de l’annulation ou la réduction drastique des programmes d’assistance que la crise fait peser sur les pays les moins développés… La plus élémentaire justice exige qu’ils n’en soient pas les victimes ». Les religieux soulignent ensuite que « les Etats pauvres qui ont le moins contribué au changement climatique (1%) sont les plus exposés aux graves conséquences de ce phénomène », affirmant également que « des engagements concrets doivent être pris au G8 pour les aider à s’adapter et à adopter des technologies adéquates pour un développement durable. Protéger la planète et les défavorisés ne sont pas des idéaux contradictoires, mais des priorités morales pour toutes les personnes de ce monde. »
Il est significatif que les leaders religieux chrétiens rejoignent les appels très concrets de la Commission Stiglitz à l’ONU. Cependant il est douteux que les pays riches s’y tiendront, ayant eux-mêmes une augmentation de chômeurs et de la précarité, ce qui les effraye. Mais vue dans cette perspective à long terme de la Commission Stiglitz, l’attitude de repli trop prudente du Conseil fédéral pour lequel seulement le business compte, paraît dérisoire, comme les mesures contre les migrants. En effet, tout ce qui arrive fait partie d’un vaste mouvement global qui évolue très vite et qu’il faut prévenir à plusieurs niveaux de la société mondiale. Sinon, un tsunami des migrations, après celui de la crise financière, pourrait bien nous surprendre dans notre sommeil. Peut-être vaudrait-il mieux écouter certains prophètes.
Christine von Garnier
Réseau Afrique Europe Foi et Justice, 26 juin 2009