Écrit pour temps de tempête et de mutation, cet ouvrage voudrait offrir quelques repères d’espoir et de solidarité à celles et ceux qui, au Nord comme au Sud, multiplient les chantiers où s’invente un monde meilleur, sans être le meilleur des mondes.
Un changement de climat. Faire prendre conscience de l’ampleur et de l’interdépendance des crises qui se succèdent (alimentaires, technologiques, financières et économiques, sociales et culturelles, institutionnelles). Elles révèlent l’incapacité du système actuel à se réguler, à apporter des réponses globales et urgentes. Graves menaces pour l’humanité entière si elle tarde à agir avec détermination, chances possibles d’inventer de nouveaux styles de vie si l’on sait anticiper ? Un cycle de développement lancé par l’Occident dans les années 1950 touche à sa fin, sans que se dessine encore une autre étape accessible. Comment passer d’une croissance devenue course effrénée au profit maximum et à très court terme, à un développement humanisé capable d’assurer le mieux être de tous dans la diversité des cultures et la rareté de ressources ?
Refonder le développement sur des repères éthiques et politiques, sur des valeurs de dépassement capables d’opérer les mutations nécessaires aux moindres coûts, aux rythmes voulus et supportables par tous :
- en puisant aux sources des grandes sagesses et religions qui peuvent encore par leur dialogue faire grandir l’humanité en relevant ses défis actuels. En particulier, le message social chrétien, nourri de la Bible, actualisé par le Concile Vatican Il, l’encyclique Populorum Progressio et leurs prolongements, peut apporter un souffle prophétique et des orientations capables de promouvoir le développement de tout l’homme et de tous les hommes dans une Création réconciliée.
- en libérant les énergies de l’espoir et de la confiance pour résister et créer à nouveau, à partir des aspirations les plus fondamentales exprimées par les sciences humaines, mises en oeuvre dans les démarches de participation, officiellement reconnues par la Déclaration universelle des Droits humains indissociables. L’humanité est affrontée à une crise de croissance planétaire : elle ne manque pas d’éclairages et de forces, mais de confiance et de volonté pour la franchir.
- en assurant la participation responsable de tous et de chacun dans la différence de cultures, par une démocratie forte, en conjuguant à tous les niveaux une représentation politique clairvoyante, une participation citoyenne active, une démarche de débat et d’évaluation pour la réalisation d’un même projet enraciné et ouvert, en faisant de la formation et de l’éducation tout au long de la vie les ferments d’une avancée constamment renouvelée.
Les champs du développement ayant chacun leurs objectifs, leur logique propre, mais dont l’interaction globale peut seule faire progresser le monde :
- un développement social et solidaire pour réduire les pauvretés et les inégalités entre les peuples comme entre les groupes : au plan mondial notamment par la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement ; dans chaque nation et collectivité par des politiques cohérentes amenant les pauvres, les exclus à se développer, la société entière à se prendre en charge, à tisser des réseaux de solidarité, du local à l’international.
- un développement durable (au Nord), soutenable (au Sud) pour permettre à la nature, épuisée par ce qu’on lui arrache et ce qu’on lui rejette, de retrouver ses capacités de renouvellement, ses équilibres vitaux, sa culture du vivant, pour assurer à tous les hommes d’aujourd’hui et de l’avenir des ressources et un cadre de vie épanouissant.
- une économie équitable et solidaire assurant le meilleur usage de biens limités : une régulation politique nationale « régionale » et mondiale des échanges économiques et financiers ; une responsabilité sociale des entreprises par une meilleure répartition des pouvoirs et des revenus ; l’essor des modalités de l’économie sociale et solidaire ; l’appui à des agricultures familiales capables de nourrir leurs populations sur leurs territoires.
En conclusion, inventer et diffuser à tous les niveaux de nouveaux styles de vie personnels et collectifs, pour passer de la pauvreté subie à l’abondance régulée, de l’abondance des biens à la plénitude d’être et de vivre ensemble. Cette mutation vitale appelle une vision prophétique pour oser l’avenir, une animation spirituelle pour discerner et dilater les espoirs humains.
Notes
[1] - Sociologue au CNRS puis à l’INRA, est l’auteur d’ouvrages reconnus sur le développement rural. Pionnier du développement local en France, il a été maire de sa commune natale, Fondateur du Comité du Mené et promoteur de la dynamique des pays, vice-président du Centre Lebret-Réseau international.
[2] - est secrétaire générale adjointe de la commission Justice et Paix et professeur de sociologie à l’Institut catholique de Paris.